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Un peu plus des mêmes thèmes en 2026
Éditorial
Par Jimmy Jean, vice-président, économiste en chef et stratège
À l’approche de 2026, l’économie mondiale continue d’être soumise à des forces qui étaient en marche bien avant le dernier cycle politique américain. La fragmentation géopolitique n’a pas débuté avec le retour de Donald Trump à la Maison‑Blanche. En fait, ce thème avait déjà marqué son premier mandat. Mais près d’un an après son retour au pouvoir, la rupture de l’ordre commercial mondial de l’après‑guerre froide semble maintenant décisive.
Au cours de la dernière année, le monde a été témoin de changements de doctrines remarquables. Les États‑Unis déploient actuellement leur stratégie la plus protectionniste depuis environ un siècle. L’Allemagne a commencé à se réarmer et a temporairement donné du lest à la discipline budgétaire qui définissait autrefois sa politique. D’autres pays s’adaptent à leur tour, renforçant leurs capacités militaires et réévaluant leurs politiques industrielles, leurs partenariats commerciaux et leurs stratégies énergétiques. Les considérations de résilience et de sécurité l’emportent de plus en plus sur les vertus traditionnelles de l’ouverture. Là où l’ouverture reste, elle est plus sélective et façonnée par un paysage mondial dans lequel la confiance mutuelle est plus difficile à obtenir.
Jusqu’à maintenant, les marchés financiers ont réussi à défier la gravité de cette transition. L’enthousiasme suscité par l’intelligence artificielle (IA) a grandement contribué à faire contrepoids à la morosité entourant le passage du libre‑échange au commerce géré. Mais cet enthousiasme accroît aussi le risque de correction, surtout à mesure que les évaluations s’étirent et que les données fondamentales deviennent plus difficiles à lire. Le boum mondial des infrastructures liées à l’IA génère des mouvements de capitaux atteignant des niveaux que peu avaient prévus, mais se heurte de plus en plus à des contraintes matérielles, que ce soit une surcapacité potentielle ou des limites contraignantes dans la production et la transmission d’énergie. Ces contraintes pourraient, en fin de compte, compromettre les rendements attendus, mais essayer de prédire le moment où cela se produira serait une entreprise vaine.
Pendant ce temps, les États‑Unis abordent une année électorale de mi‑mandat à un moment où les questions économiques sont au sommet des préoccupations des électeurs. Certains indicateurs précoces, comme les résultats électoraux de l’automne 2025 et les sondages nationaux, suggèrent que les difficultés de mi‑mandat habituelles pour l’administration en place pourraient être plus marquées qu’à l’habitude. Lorsque l’on regarde les données agrégées, la toile de fond économique générale ne laisse pas présager de récession, mais la composition de la croissance continuera d’évoluer.
Les ménages à revenu moyen et faible subissent toujours les effets du coût de la vie, qui demeure élevé, ainsi que de l’affaiblissement du marché du travail. En revanche, la contribution des ménages à revenu élevé est de plus en plus marquée dans l’activité globale. Dans ce contexte de concentration de la richesse financière, une correction boursière représente un risque considérable, bien que les habitudes de dépenses des plus riches dépendent davantage de leur niveau de richesse que des changements à court terme de la valeur de celle‑ci.
Selon nous, la création d’emplois aux États‑Unis demeurera timide, mais ne s’effondrera pas. Le ralentissement est en partie dû à l’offre, puisque le durcissement de l’approche de l’administration en matière d’immigration freine la croissance de la main‑d’œuvre. Par conséquent, nous nous attendons à un effet haussier relativement limité sur le taux de chômage en 2026. Certains secteurs qui dépendent habituellement d’une main‑d’œuvre étrangère bon marché pourraient connaître une accélération des salaires nominaux, mais il ne faudrait pas interpréter ce phénomène comme un signe de vigueur; il s’agit plutôt de frictions liées aux coûts qui généreront probablement des pressions inflationnistes supplémentaires.
À ces pressions s’ajoute la transmission des coûts des tarifs douaniers, qui devrait continuer de pousser l’inflation américaine plus haut qu’elle ne le serait autrement. Nous croyons que cela compliquera la tâche de la Réserve fédérale (Fed). Notre scénario de base suppose une posture à peine plus accommodante de la part du nouveau président de la Fed. En outre, nous ne pensons pas que la Fed fermera complètement les yeux sur l’inflation liée aux tarifs douaniers, particulièrement à la lumière du niveau de dissidence observé lors des réunions du FOMC cette année, mais aussi par crainte d’une réaction des marchés obligataires face à un biais trop laxiste.
Au Canada, la question déterminante pour 2026 sera la révision conjointe de l’Accord Canada–États‑Unis–Mexique (ACEUM). À l’origine, cette révision était envisagée presque comme une formalité, mais le processus prend de plus en plus des airs de renégociation. L’éventail des résultats possibles est large : tout dépendra des concessions sectorielles que chaque pays est prêt à faire, de la volonté des États‑Unis de fragmenter l’accord en accords bilatéraux et de la possibilité d’un accord parallèle plus souple, semblable à ceux que les États‑Unis ont signés avec le Japon, l’Union européenne ou le Royaume‑Uni. Même si l’ACEUM est maintenu, l’incertitude persiste quant à savoir si le Canada profitera d’une prévisibilité à long terme ou sera confronté à un cycle de renouvellement d’une année à l’autre. En fin de compte, ce sont ces détails qui détermineront si les entreprises exportatrices obtiennent la clarté dont elles ont besoin pour planifier, investir et embaucher.
Le Canada a peut‑être échappé au pire de la surenchère tarifaire, mais les récents événements ont néanmoins entraîné une politique budgétaire plus stimulante. Au‑delà des mesures modestes de financement et de soutien en matière de liquidité pour les entreprises touchées, les nouveaux engagements les plus importants concernent les dépenses en défense. Des initiatives visant à stimuler l’investissement privé sont présentées comme faisant du Canada l’un des pays les plus concurrentiels sur le plan fiscal. Malgré tout, il faudra du temps pour que ces mesures donnent des résultats dans un environnement où l’incertitude continue de peser sur la prise de risque. Nous ne nous attendons pas à un rebond énergique des dépenses en immobilisations du secteur privé en 2026, mais une certaine stabilisation semble possible.
La croissance de la population canadienne devrait continuer de ralentir, en accord avec les cibles actuelles. Les risques d’exécution sont importants : de nombreux permis de résidence non permanente viennent à échéance en 2026, et des questions demeurent sur une série d’enjeux, notamment les trajectoires de transition, la conformité des sorties et le suivi des effectifs. Nous croyons cependant que le ralentissement de la croissance démographique entraînera une légère baisse du taux de chômage national. Cette baisse mérite toutefois la même prudence que l’augmentation mentionnée précédemment, car elle reflète davantage l’évolution de la politique démographique qu’une véritable vigueur économique.
La Banque du Canada (BdC) sera attentive à ces distinctions. On s’attend à ce qu’elle maintienne le statu quo en 2026. Le taux de chômage pourrait reculer, mais la croissance restera vraisemblablement faible et l’incertitude, exceptionnellement élevée. Mais avec une capacité excédentaire limitée, une inflation sous‑jacente persistante encore quelques temps et des mesures budgétaires se matérialisant graduellement dans l’économie, un mouvement vers une politique monétaire accommodante nécessiterait des motifs importants.
Cela dit, la BdC naviguera un peu à vue dans les eaux de 2026. Au‑delà de la ligne de fracture évidente que représente l’ACEUM, les conditions économiques sont de plus en plus fragmentées et hétérogènes à l’échelle du pays – secteurs axés sur le commerce ou sur le marché intérieur, provinces manufacturières ou grandes productrices d’énergie, industries bénéficiant de l’aide gouvernementale ou confrontées à une demande faible, etc.
En terminant, le ministre canadien de l’Énergie, Tim Hodgson, a récemment déclaré que « nous ne pouvons pas être nostalgiques du passé » en ce qui concerne la transformation économique. Il en va de même pour l’incertitude. L’année 2026 confirmera ce qui apparaît de plus en plus comme le passage définitif d’un régime de stabilité, de confiance et de prévisibilité relatives vers un régime marqué par plus d’incertitude, d’imprévisibilité, voire de désordre. Ainsi, les perspectives que nous présentons aujourd’hui resteront sujettes à révision, et les décideurs devront agir avec un niveau de confiance inconfortablement bas concernant les développements à court terme. Malgré tout, plusieurs thèmes structurels restent fermement en place. L’adoption d’une vision à plus long terme demeurera donc essentielle pour s’adapter aux changements en cours.
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