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Nouvelles économiques

De la banque centrale à l’édifice du centre - Premières réflexions sur le résultat des élections au Canada

29 avril 2025
Jimmy Jean, vice-président, économiste en chef et stratège • Randall Bartlett, économiste en chef adjoint

Le 29 avril au matin, le Parti libéral du Canada semble avoir remporté un nouveau gouvernement minoritaire lors de la 45e élection fédérale du Canada. Il ne manque que quatre sièges pour atteindre la majorité et plusieurs circonscriptions sont très serrées. Le dépouillement des bulletins de vote spéciaux qui se poursuit aujourd'hui permettra de confirmer le résultat. Si la victoire d'un gouvernement libéral minoritaire est officialisée, le Premier ministre Mark Carney devra négocier avec les partis d'opposition pour mettre en œuvre son programme politique. Dans l'état actuel des choses, les libéraux seraient en mesure d'adopter des lois avec le soutien du Nouveau Parti Démocratique, comme ils le faisaient auparavant. En termes de mise en œuvre du programme du Parti libéral, cette configuration pourrait pencher en faveur des mesures sociales et culturelles, et contre des réductions d'impôts élargies et le développement des énergies fossiles. Les libéraux pourront aussi solliciter l’appui du Bloc québécois sur certains enjeux.

 

Pour le meilleur, les Canadiens ont maintenant la certitude d'avoir une voix élue qui les représente dans la guerre commerciale imprévisible provoquée par l'administration Trump. Et avec une plateforme entièrement chiffrée présentée aux électeurs pendant la campagne, le nouveau gouvernement dispose d'une feuille de route pour faire avancer son programme. Ainsi, nous avons une idée de ce que contiendra probablement le prochain budget, qu'il soit ou non adopté par le Parlement.

 

Le plan libéral chiffré contenait plus de 100 propositions de mesures totalisant environ 130 G$ en réductions d'impôts et en nouvelles dépenses, avec une approche tous azimuts, caractéristique des programmes précédents. Outre les mesures destinées à répondre aux besoins du moment en investissant dans les infrastructures de soutien au commerce et dans la défense, tout en réduisant les obstacles à l'investissement, le programme présenté la semaine dernière contenait une pléthore de propositions destinées à ne laisser aucun électeur de côté. D'après nos calculs, cela conduirait à des déficits nettement plus importants que ceux prévus par le précédent gouvernement libéral dans son énoncé économique de l’automne 2024 (graphique 1). Cela placerait également le ratio dette/PIB sur une trajectoire plate ou ascendante, contrairement à la baisse tendancielle prévue dans les dernières prévisions budgétaires. Ainsi, l'accent mis sur les points d’ancrage budgétaire − caractérisées de manière générale par une prévision de stabilité ou de baisse du ratio de la dette au PIB − semble appartenir au passé, du moins pour l'instant. Et cela suppose que le gouvernement fédéral trouve 28 G$ sur trois ans en "économies provenant de l'augmentation de la productivité du gouvernement" − un objectif ambitieux, en particulier en l'absence de réductions de la taille de la fonction publique.


En outre, la plupart des risques qui pèsent sur les perspectives budgétaires fédérales présentées par le Parti libéral du Canada sont orientés à la baisse. Tout d'abord, les prévisions économiques et budgétaires du Directeur parlementaire du budget, qui constituent le point de départ de la plate−forme, excluent explicitement l'impact des droits de douane américains. Par conséquent, les recettes provenant des droits de douane déjà comptabilisées seront compensées par la baisse des recettes provenant de l'impôt sur le revenu des particuliers et des sociétés ainsi que des cotisations d'assurance−emploi, qui n'a pas encore été prise en compte. L'augmentation des dépenses liées aux prestations d'assurance−emploi et à d'autres sorties de fonds cycliques ne figurait pas non plus dans le programme. En outre, bien que le programme libéral comprenne des mesures visant à soutenir la transition du Canada vers une économie moins dépendante du commerce avec les États−Unis, ces mesures ne suffiraient pas à faire contrepoids à une récession généralisée. Si des dépenses équivalentes à celles prévues dans le Plan d'action économique pendant la crise financière mondiale étaient mises en œuvre aujourd'hui, par exemple, cela représenterait environ 75 G$ supplémentaires sur deux ans. Une dépense à court terme de cette ampleur augmenterait le ratio dette/PIB, tout en le maintenant probablement en dessous du pic atteint lors de la pandémie de COVID−19 (graphique 2). Dans ce contexte, le nouveau gouvernement serait bien avisé de faire preuve de parcimonie, en suspendant certaines des nouvelles dépenses promises jusqu'à ce qu'il ait une meilleure visibilité sur ce que lui réserve l'administration Trump sur le front commercial.


Au moment où nous écrivons ces lignes, la courbe des rendements du gouvernement canadien s'est légèrement accentuée après la victoire électorale. Cela peut refléter un certain positionnement en vue d'une augmentation des émissions obligataires pour financer les engagements électoraux, même s’il faut dire que l’issue de l’élection avait été passablement anticipée. Nous nous attendons à ce que les besoins de financement soient satisfaits par une augmentation proportionnelle des émissions de dette à court terme et d'obligations du gouvernement du Canada à 5−10 ans. Le dollar canadien s'est légèrement déprécié à la suite de ce résultat.


NOTE AUX LECTEURS : Pour respecter l’usage recommandé par l’Office québécois de la langue française, nous employons dans les textes, les graphiques et les tableaux les symboles k, M et G pour désigner respectivement les milliers, les millions et les milliards. MISE EN GARDE : Ce document s’appuie sur des informations publiques, obtenues de sources jugées fiables. Le Mouvement Desjardins ne garantit d’aucune manière que ces informations sont exactes ou complètes. Ce document est communiqué à titre informatif uniquement et ne constitue pas une offre ou une sollicitation d’achat ou de vente. En aucun cas, il ne peut être considéré comme un engagement du Mouvement Desjardins et celui-ci n’est pas responsable des conséquences d’une quelconque décision prise à partir des renseignements contenus dans le présent document. Les prix et les taux présentés sont indicatifs seulement parce qu’ils peuvent varier en tout temps, en fonction des conditions de marché. Les rendements passés ne garantissent pas les performances futures, et les Études économiques du Mouvement Desjardins n’assument aucune prestation de conseil en matière d’investissement. Les opinions et les prévisions figurant dans le document sont, sauf indication contraire, celles des auteurs et ne représentent pas la position officielle du Mouvement Desjardins.