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Commentaire hebdomadaire

Toute une année (celle qui s’en vient aussi)!

12 décembre 2025
Francis Généreux
Économiste principal

L’année 2025 aura été chargée pour l’actualité économique américaine. Il est cependant encore tôt pour faire un réel bilan annuel. À cause de l’impasse budgétaire qui a bouleversé la publication de nombreux indicateurs économiques, il nous manque de nombreuses pièces du puzzle. Comme vous pouvez lire un peu plus loin dans la section « À surveiller » de ce Commentaire hebdomadaire, la semaine qui s’en vient nous apportera plusieurs informations pertinentes. Juste avant Noël, nous aurons enfin les données du PIB réel du troisième trimestre (avec pratiquement deux mois de retard). Comme indiqué dans nos récentes Prévisions économiques et financières Lien externe au site., on s’attend toujours à une croissance solide du PIB réel au cours du troisième trimestre, qui devrait cependant être suivie d’une hausse bien plus timide au quatrième trimestre. Si l’on devait tout de suite faire un constat de l’année 2025 pour l’économie américaine, celui-ci serait que la confiance des entreprises a été assez ébranlée par les annonces de tarifs et celle des ménages, par les craintes au sujet du coût de la vie, mais que l’économie réelle a bien tenu le coup. Est-ce que, comme le mentionne Donald Trump, c’est déjà un nouvel âge d’or pour les États‑Unis? Non… Mais est-ce l’hécatombe? Non plus.

 

L’année 2026 poussera-t-elle les États‑Unis davantage vers l’une de ces deux avenues? Ce n’est pas notre scénario, mais le chemin risque d’être à nouveau tortueux. Plusieurs événements seront d’ailleurs à surveiller de près.

 

Encore les tarifs

 

La politique économique de l’administration Trump continue de reposer sur des tarifs douaniers élevés. Même les pays qui ont conclu en 2025 des ententes bilatérales avec les États‑Unis voient leurs exportations vers ce pays confrontées à des droits de douane bien plus élevés qu’il y a un an. Dans le cas des tarifs généraux établis sous l’égide de l’International Emergency Economic Powers Act, soit ceux liés au fentanyl envers le Canada et le Mexique ainsi que les tarifs de réciprocité variables s’appliquant à la plupart des autres pays, leur légalité est présentement dans les mains des juges de la Cour suprême américaine. Il est possible que l’on n’ait pas à attendre 2026 pour avoir une décision de ce côté alors qu’une annonce pourrait bientôt survenir. En attendant, Donald Trump juge qu’un revers de sa politique serait catastrophique : « La plus grande menace de l’histoire pour la sécurité nationale des États‑Unis serait une décision défavorable sur les tarifs par la Cour suprême des États‑Unis ». Cette affirmation, qui survient 84 années presque jour pour jour après l’attaque de Pearl Harbor et un peu plus de 24 ans après le 11 septembre 2001, fait sourciller, mais elle rappelle l’importance que revêtent les tarifs pour le président Trump. Notons que ce n’est pas en soi l’imposition de tarifs par les États‑Unis qui est contestée judiciairement, mais l’approche pour les instaurer. Si, comme à l’époque du président McKinley Lien externe au site. ou lors des tarifs Smoot‑Hawley de 1930, le Congrès adoptait la politique tarifaire de l’administration Trump, il n’y aurait pas de contestation. Il n’est toutefois pas clair qu’une telle politique obtiendrait l’aval des deux Chambres malgré les majorités républicaines.

 

Les nombreux tarifs sectoriels ne sont pas mis en doute et il est possible que d’autres politiques touchant des industries spécifiques soient annoncées au cours de la nouvelle année. Des procédures administratives sont déjà amorcées concernant l’aviation, les produits électroniques (semi-conducteurs, circuits électroniques…) et téléphones cellulaires, les produits médicaux et pharmaceutiques, la machinerie industrielle et la robotique ainsi que les éoliennes et leurs pièces, mais il n’y a pas eu de décision finale de la part du président.

 

Un autre élément de la politique commerciale de l’administration Trump qui revêtira une certaine importance en 2026 sera la révision planifiée de l’Accord Canada–États‑Unis–Mexique (ACEUM). L’accord promulgué en 2020 impose de « procéder à un examen conjoint, examiner toute recommandation concernant les mesures à prendre présentée par une Partie, et décider des mesures appropriées », et ce, avant son sixième anniversaire le 1er juillet prochain. Les États‑Unis, le Canada et le Mexique doivent aussi indiquer, par écrit, s’ils désirent prolonger l’accord au-delà de 2036, et cela, pour 16 ans de plus. Il est déjà assez clair que les Américains auront de nombreuses suggestions de modifications et il sera intéressant de voir si cet examen sera aussi acrimonieux que l’on pourrait craindre. Notons que l’absence d’entente ne veut pas dire que l’ACEUM meurt dès l’an prochain, mais plutôt qu’il ne sera pas renouvelé automatiquement au-delà de 2036. Cela dit, la clause de retrait six mois après une notification est toujours disponible, mais cette possibilité a été peu évoquée par l’administration Trump. Au bout du compte, il faudrait voir si les discussions entourant l’ACEUM changeront la donne pour les exemptions dont profitent actuellement le Canada et le Mexique pour les biens éligibles.

 

Un dividende-tarif?

 

Un élément qui pourrait changer un peu la conjoncture serait la mise en place d’un dividende-tarif par l’administration Trump. Le président a évoqué cette possibilité à plusieurs reprises. Il s’agirait d’un montant forfaitaire envoyé directement aux Américains (à l’exclusion des plus aisés), à l’image des sommes distribuées pendant la pandémie. La somme la plus souvent mentionnée est de 2 000 $ US. Le hic, c’est que le coût total d’une telle mesure effacerait les revenus espérés provenant des tarifs. Au cours des derniers mois, les rentrées budgétaires provenant des droits de douane étaient en moyenne de 32,4 G$ US. Multipliée par douze, la somme monte à un peu moins de 400 G$ US. Le coût du dividende serait entre 300 G$ US et 600 G$ US, selon les hypothèses concernant qui exactement en bénéficierait. Dans un contexte où les déficits budgétaires demeurent énormes aux États‑Unis, et sans revers majeur de l’économie, une telle mesure ne semble pas tout à fait appropriée.

 

Coudée franche ou canard boiteux?

 

S’il s’avère, on pourrait qualifier le dividende-tarif de cadeau électoral visant à rallier les électeurs. Les sondages montrent une approbation nette négative envers la gestion de l’économie par Donald Trump. C’est que leur principale préoccupation n’a pas changé depuis l’élection de 2024 : le coût de la vie. Ils croient de moins en moins que l’administration tente de régler ce problème.

 

L’enjeu devient pressant à moins d’un an des élections de mi-mandat, qui auront lieu le 3 novembre 2026. Les tarifs, la fin de subventions sur les programmes d’assurance-santé et l’augmentation des coûts de l’électricité, chacun lié pleinement ou partiellement à des politiques de l’administration Trump, amplifient la hausse du coût de la vie. Certaines des mesures issues du One Big Beautiful Bill Act Lien externe au site. adopté en 2025 allégeront le fardeau fiscal des ménages et aideront leur situation, mais l’effet positif net de tout cela risque d’être modeste.

 

Dans ces circonstances, il est possible que les républicains perdent des plumes et que la majorité de la Chambre des représentants change d’allégeance à la suite des élections de mi-mandat. La perte de sièges pour le parti qui détient la Maison‑Blanche est d’ailleurs la norme historique. Depuis le début du XXe siècle, cela a été le cas à toutes les élections de mi-mandat, sauf trois (1934, 1998 et 2002). Le redécoupage des cartes électorales dans certains États pourrait toutefois changer la donne.

 

Si les républicains conservent leur majorité au Congrès et que le président Trump garde son influence auprès de sa base, il aura les coudées franches pour aller de l’avant avec ce qu’il souhaite accomplir pendant la seconde moitié de son mandat. Toutefois, si la majorité de la Chambre (l’éventualité est plus faible pour le Sénat) passe aux démocrates, il deviendra vite un canard boiteux ayant moins d’emprise sur la politique économique interne. Pour éviter une telle éventualité, Donald Trump devra compter sur un facteur qui reste hypothétique : une accélération notable de la croissance économique en 2026.

 

L’intelligence artificielle et un nouveau président de la Réserve fédérale au secours de la conjoncture?

 

L’un des soutiens de l’économie américaine en 2025 a clairement été l’investissement lié au développement et à la propagation de l’intelligence artificielle (IA). Sans les contributions positives de l’investissement privé en équipement informatique, en logiciel et en construction de centre de données, les variations du PIB réel américain au cours des deux premiers trimestres de 2025 auraient été passablement plus faibles. Il y a aussi l’apport indirect provenant de l’effet de richesse qu’amène cette industrie par le biais de la hausse des indices boursiers. L’administration Trump souhaite clairement que l’engouement envers l’IA perdure, avec toute une série de politiques visant à promouvoir cette industrie [en anglais seulement] Lien externe au site.. Le président a signé cette semaine un décret afin d’empêcher la mise en place de réglementations sur l’IA au niveau des États. Il reste maintenant à voir si l’élan de l’IA se poursuivra longtemps de si belle façon ou s’il y aura tôt ou tard un essoufflement. Il faudra bien qu’un jour pas trop lointain les revenus rejoignent les énormes investissements, sinon les contrecoups d’une possible exubérance irrationnelle qui rappelle les bulles financières passées pourraient hanter les marchés et la conjoncture.

 

Sans souhaiter le pire, il y a déjà une certaine méfiance de la population envers l’adoption étendue de l’intelligence artificielle. Selon le Pew Research Center [en anglais seulement] Lien externe au site., 57 % des Américains jugent que les risques liés à l’IA pour la société sont élevés. Seuls 25 % y voient des avantages élevés, tandis que 15 % estiment que les risques et les avantages sont tous deux significatifs. Il y a aussi des enjeux locaux provoqués par les besoins en énergie des centres de données et qui pourraient venir colorer les élections de mi-mandat [en anglais seulement] Lien externe au site..

 

Donald Trump devra choisir très bientôt un nouveau président de la Réserve fédérale (Fed). Le mandat de Jerome Powell comme président prend fin en mai et, d’ici là, le candidat choisi devra être approuvé par le Sénat. Ce n’est pas un rôle facile et l’on sait que les critiques de Donald Trump envers l’actuel président de la Fed Lien externe au site. ont été acerbes. La question pressante est de savoir si le nouveau président de la Fed pourra garder une certaine indépendance face à la Maison‑Blanche. Présentement, le candidat en tête semble être Kevin Hassett, l’actuel directeur du National Economic Council et l’un des principaux conseillers économiques et porte-parole du président Trump. S’il est effectivement nommé et confirmé, il voudra sûrement projeter une image d’indépendance, mais il serait étonnant que sa pensée soit bien loin de celle de Donald Trump. Si l’économie américaine ne s’accélère pas autant que souhaité par le président, ce dernier pourrait tenter de faire adopter une politique monétaire plus expansionniste. Il devra cependant convaincre ses collègues du comité de politique monétaire de la Fed, ce qui pourrait être ardu.

 

Il y a donc bien des enjeux en cette nouvelle année et leur dénouement entraînera des conséquences importantes pour la conjoncture économique et financière… sans compter les imprévus, notamment sur la scène géopolitique. Il y a eu des tas de surprises en 2025, et il y en aura d’autres en 2026.

Lire la publication Indicateurs économiques de la semaine du 18 au 22 juillet 2022

Consultez l'étude complète en format PDF.

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