Choisir vos paramètres

Choisir votre langue
Commentaire hebdomadaire

Un début de mandat chargé… et le pire reste sans doute à venir

31 janvier 2025
Francis Généreux
Économiste principal

Fidèle à son habitude, le président Trump a su retenir l’attention politique et économique depuis le début de son mandat (bien que, lundi, des nouvelles étonnantes concernant les avancées de l’intelligence artificielle chinoise Deepseek aient temporairement pris le haut de pavé). Dès son retour à la Maison−Blanche, le président américain a édicté une série de décisions exécutives et de mémorandums visant à mettre en place les premiers jalons des politiques publiques de la nouvelle administration. Ces décisions couvrent large et présentent une coupure très nette avec les politiques du président Biden. Parmi ce qui a été promulgué jusqu’à maintenant, ce sont les éléments touchant la politique commerciale, l’immigration, l’énergie et l’appareil gouvernemental fédéral qui auront le plus de conséquences à court terme sur la conjoncture.

 

Au matin de l’assermentation du 47e président, les questions les plus pressantes étaient de savoir si une politique commerciale nettement protectionniste allait être annoncée dès le jour même et si des hausses de tarifs seraient appliquées à très courte échéance. Le président a plutôt opté pour un mémorandum jetant les bases d’une « America First Trade Policy ». Ce document n’indique rien de concret sur des tarifs imminents. Il dicte plutôt une série de problématiques concernant le commerce international perçues par la nouvelle administration. Cela va d’éléments généraux comme le déficit commercial persistant des États−Unis à des enjeux très spécifiques comme les multiples doléances américaines envers les pratiques commerciales de la Chine. Le Canada n'est pas épargné (ni le Mexique). L’existence d’un important déficit commercial des États−Unis avec ses voisins, le processus de révision de l’ACEUM, les questions de sécurité nationale qui pourraient mener à une révision des exemptions de tarifs concernant l’acier et l’aluminium ainsi que la volonté de régler la crise du fentanyl et la crise migratoire sont tous mentionnés dans le mémorandum. Celui−ci n’édicte pas de mesures immédiates à prendre, met prépare plutôt le terrain. Le président demande aux différentes agences américaines d'étudier chacune de ces questions d'ici le 1er avril et de recommander des solutions, mentionnant explicitement des tarifs.

 

Cela dit, Trump étant Trump, le répit provenant d’un délai normal pour que les fonctionnaires formulent leurs recommandations risque d’être coupé court. Durant la soirée du 20 janvier, le président a évoqué l’idée d’imposer des tarifs de 25 % au Canada et au Mexique dès le 1er février. Cette éventualité a depuis été réitérée par le président ainsi que par sa secrétaire de presse. Si l’on s'en tient à la politique signée et publiée, des hausses de tarifs si rapides seraient étonnantes. On ne peut toutefois les exclure complètement (au moment de publier ce commentaire, une possibilité d'annonce prochaine, mais pour des tarifs s'appliquant le 1er mars était invoquée). S’il veut vraiment aller de l’avant rapidement, le président pourra s'appuyer sur une procédure d'urgence nationale, soit l’International Emergency Economic Powers Act (IEEPA). Le président Nixon avait utilisé une procédure semblable le 15 août 1971 pour un relèvement de 10 % des tarifs sur les importations américaines. Il reste maintenant à voir si Donald Trump utilisera ce pouvoir et, si oui, pour en faire quoi exactement. Les menaces avortées de tarifs de 25 % (et éventuellement 50 %) envers la Colombie (comme représailles aux réticences du président colombien à accepter des vols militaires américains ramenant des immigrants), les pressions mises sur le Danemark concernant le Groenland et les autres menaces envers la Chine et la Russie nous rappellent le caractère intempestif et imprévisible du président Trump. Mais elles signalent aussi qu’il y a un écart entre les « annonces » de Trump sur les réseaux sociaux et ce qui est vraiment signé et mis en place de façon officielle. Les prochains jours, voire les prochaines heures, nous en diront plus.

 

Le président a aussi voulu vraiment frapper l’imagination sur l’enjeu de l’immigration. On ne parle plus ici d’un mémo commandant des études, mais plutôt de décisions exécutives ayant un impact réel et immédiat, y compris un état d’urgence à la frontière avec le Mexique. Cela dit, quelles pourraient être les conséquences de ces actions sur l’activité économique? Il faut ici séparer le spectacle, voire le drame humain, des réelles répercussions. Rappelons qu’il y a toujours des déportations aux États−Unis. Au cours des 11 premiers mois de 2024, plus de 675 000 personnes ont été expulsées (total repatriations) selon les données du Département de la Sécurité intérieure Lien externe au site.. Le rythme d’expulsion s’est peut−être accéléré depuis que le président a bonifié les pouvoirs des agences responsables. Les premières détentions et expulsions sont sans doute plus faciles et auront peu de conséquences sur l’économie. Mais si, comme le souhaite l’administration républicaine, elles deviennent bien plus nombreuses, les effets se feront davantage sentir. Pour le moment, les absences d’immigrants illégaux sur leur lieu de travail relèvent surtout de l’anecdote. Une perturbation significative de cette force de travail aura toutefois des implications négatives sur l’activité économique aux États−Unis, notamment dans les secteurs de l’agriculture, de la construction ainsi que dans la fabrication et au sein de plusieurs services. Cette situation, surtout si elle est conjuguée à d’éventuels tarifs, risque d’alimenter les pressions haussières sur l’inflation.

 

Paradoxalement, un des principaux enjeux électoraux qui a permis à Donald Trump de l’emporter sur Kamala Harris était la frustration des Américains envers les hausses de prix. Le 20 janvier, Donald Trump a émis un mémorandum concernant la lutte contre la crise du coût de la vie. L’objectif est louable, mais les moyens n’y sont pas bien définis. Cette politique repose surtout sur la déréglementation et la nouvelle administration cherche avant tout à réduire les coûts de l’énergie, notamment du pétrole et du gaz. Des ordres exécutifs, eux aussi signés le 20 janvier, visent d’ailleurs à « libérer l’énergie américaine » et décrètent une urgence nationale énergétique. Le président compte sur une forte déréglementation du secteur du gaz et du pétrole, notamment en éliminant de nombreuses contraintes environnementales, en facilitant et accélérant l’octroi de permis et en rendant de nouveau disponibles à la production certains territoires fédéraux. On peut toutefois douter que les prix de l’énergie diminuent assez pour amener tous les bénéfices souhaités par le président, incluant des baisses des taux d’intérêt comme il l’a déclaré à son discours de Davos. Les pétrolières américaines, désireuses de conserver un haut niveau de rentabilité, planifieront leur production et leurs investissements en fonction des conditions de marché, et des prix trop bas risquent de les rendre frileuses.

 

Finalement, la Maison−Blanche a fait plusieurs annonces concernant soit les dépenses publiques ou l’appareil gouvernemental. Un gel des dépenses et investissements liés à l’Inflation Reduction Act de 2022 et à la loi bipartisane d’infrastructures de 2021, tous deux signés par Biden, a été décrété. La nouvelle administration voulant ainsi surtout stopper les mesures allant à l’encontre de ses propres vues, notamment concernant l’environnement. Ce gel couvrait très large au début, mais des directives formulées plus tard en ont précisé et amoindri la portée. Une mise en pause de toute aide fédérale a aussi été émise, mais là aussi, l’administration a déjà dû reculer. Il y a eu l’établissement du DOGE (en fait un changement de nom de l’United States Digital Service) piloté par Elon Musk, dont la portée semble maintenant plus limitée qu’initialement prévu. Cet organisme aura pour mandat de moderniser la technologie et les logiciels utilisés par le gouvernement fédéral. C’est plutôt loin d’une révolution de l’appareil gouvernemental ou des compressions de 1 000 ou 2 000 G$ US dans les dépenses qui avaient été insinuées. Cela dit, la situation demeure incertaine pour de nombreux fonctionnaires fédéraux ; un programme d’incitation à quitter son poste (avec rémunération jusqu’au 30 septembre) a même été déployé.

 

Bien qu’un point central de son programme électoral, le prolongement des baisses d’impôts de 2018 et l’ajout de nouveaux assouplissements fiscaux aient été très peu abordés par le président Trump durant ces premières semaines de mandat, on sent, à l’image de 2017, qu’il laisse plutôt aux membres républicains du Congrès l’initiative de lui soumettre quelque chose, voire un budget, à l’image de ce qu’il a proposé durant la campagne.

 

Somme toute, Donald Trump est président depuis près de deux semaines et le nombre de nouveaux mémos et décrets a été élevé pour une si jeune administration. Toutefois, on en sait encore assez peu sur les véritables effets de tout cela sur la conjoncture. Bien que l’on appréhende les conséquences économiques des prochaines décisions qui seront prises dans le Bureau ovale, plus de clarté fera tout de même du bien et permettra surtout de départager ce qui est annoncé informellement par le président sur ses réseaux sociaux et ce qui sera officiellement mis en place par le gouvernement américain.

Lire la publication Indicateurs économiques de la semaine du 18 au 22 juillet 2022

Consultez l'étude complète en format PDF.

NOTE AUX LECTEURS : Pour respecter l’usage recommandé par l’Office québécois de la langue française, nous employons dans les textes, les graphiques et les tableaux les symboles k, M et G pour désigner respectivement les milliers, les millions et les milliards. MISE EN GARDE : Ce document s’appuie sur des informations publiques, obtenues de sources jugées fiables. Le Mouvement Desjardins ne garantit d’aucune manière que ces informations sont exactes ou complètes. Ce document est communiqué à titre informatif uniquement et ne constitue pas une offre ou une sollicitation d’achat ou de vente. En aucun cas, il ne peut être considéré comme un engagement du Mouvement Desjardins et celui-ci n’est pas responsable des conséquences d’une quelconque décision prise à partir des renseignements contenus dans le présent document. Les prix et les taux présentés sont indicatifs seulement parce qu’ils peuvent varier en tout temps, en fonction des conditions de marché. Les rendements passés ne garantissent pas les performances futures, et les Études économiques du Mouvement Desjardins n’assument aucune prestation de conseil en matière d’investissement. Les opinions et les prévisions figurant dans le document sont, sauf indication contraire, celles des auteurs et ne représentent pas la position officielle du Mouvement Desjardins.