- Randall Bartlett
Économiste en chef adjoint
Attachez vos ceintures : une autre zone de turbulences s’annonce en 2026
À quelques jours de la fin de 2025 et du début de 2026, il semblait propice d’explorer certains des grands thèmes qui, selon nous, façonneront la prochaine année et influeront sur l’économie canadienne.
La politique commerciale américaine devrait continuer d’influencer l’activité économique mondiale en 2026. Les tarifs douaniers, tantôt menacés, tantôt appliqués, devraient se poursuivre en 2026, particulièrement dans le contexte de révision de l’Accord Canada–États‑Unis–Mexique (ACEUM). Dans un tel contexte marqué par l’imprévisibilité, les entreprises sont susceptibles de rester sur la touche et d’hésiter à investir. La date butoir du 1er juillet marquera un tournant : l’évolution de l’économie canadienne dépendra de la conclusion de la révision de l’accord, pour le meilleur ou pour le pire. Si l’ACEUM passe à des révisions annuelles, l’incertitude deviendra une constante en matière de commerce. Nous prévoyons notamment que la politique commerciale de l’administration américaine entraînera une hausse de l’inflation aux États‑Unis. Les élections américaines de mi‑mandat, prévues en novembre 2026, accentueront le risque de nouvelles turbulences commerciales, car les décideurs politiques pourraient chercher à détourner l’attention des difficultés économiques nationales.
L’économie américaine dépend de plus en plus des dépenses en immobilisations liées à l’intelligence artificielle (IA), ce qui fait craindre que ce rythme soutenu ne soit pas durable. En effet, au cours du premier semestre de 2025, plus de 90 % de la faible croissance du PIB réel des États‑Unis a été attribuable aux investissements liés à l’IA. Cela témoigne de la vulnérabilité de l’économie américaine à un affaiblissement de l’engouement pour la construction de centres de données et d’autres infrastructures de soutien à l’IA en 2026. À titre comparatif, les investissements dans le matériel de traitement de l’information et les logiciels n’ont représenté qu’environ 10 % de la croissance du PIB réel canadien au cours de la même période. Cela laisse entrevoir une occasion majeure pour un pays comme le Canada, riche en ressources, moins densément peuplé et au climat froid : celle d’attirer plus d’investissements de ce type, à condition que sa production d’électricité augmente au cours des prochaines années.
Les investissements dans les infrastructures favorisant le commerce et l’accès aux ressources devraient progresser à un rythme plus soutenu cette année, à mesure que les chaînes d’approvisionnement mondiales se réorientent. Le volume des échanges a reculé à l’échelle mondiale jusqu’au milieu de 2025, puis a rebondi, les pays s’étant diversifiés hors des États‑Unis. Parallèlement, les États‑Unis ont relancé leurs importations, mais à des prix plus élevés pour les entreprises et les consommateurs. De son côté, la Chine consolide sa position dominante sur les marchés des terres rares, des panneaux solaires et des véhicules électriques. Le Canada est toujours à la recherche de nouveaux partenaires commerciaux et augmente ses investissements dans plusieurs secteurs (routes, chemins de fer, ports et pipelines) afin d’acheminer l’énergie conventionnelle, les minéraux critiques et toutes sortes de produits manufacturés vers les marchés mondiaux. L’accélération de l’approbation des « projets d’intérêt national » par le Bureau des grands projets ainsi que la construction d’infrastructures de défense à double usage devraient contribuer à soutenir la croissance de l’activité économique.
Le recul du leadership américain au sein de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) entraîne une augmentation des dépenses militaires en Europe et au Canada. Cette tendance devrait s’accentuer en 2026, sous la pression du conflit en Ukraine, qui semble appelé à durer. Le gouvernement du Canada s’est engagé à porter les dépenses militaires à 2 % du PIB d’ici la fin du présent exercice, ce qui a déjà contribué à soutenir la croissance du PIB réel en 2025. Les dépenses militaires devraient passer à 3,5 % du PIB d’ici 2035, plus un autre 1,5 % du PIB en dépenses liées à la défense, soit l’objectif actuel de l’OTAN. Bien que l’augmentation des dépenses militaires fût nécessaire depuis longtemps, surtout pour le Canada, le fait qu’une telle hausse se fasse de manière simultanée et massive à l’échelle mondiale crée un risque de flambée des prix et d’inflation dans le secteur. Les contribuables canadiens pourraient donc en avoir moins pour leur argent.
Cette stratégie n’est pas sans coût : les économies avancées creusent considérablement leurs déficits et émettent des titres d’emprunt pour se protéger dans un monde de plus en plus imprévisible. Selon le Congressional Budget Office, le gouvernement fédéral américain devrait enregistrer des déficits de l’ordre de 5 à 7 % du PIB par an au cours de la prochaine décennie. La dette fédérale américaine brute pourrait atteindre 135 % du PIB d’ici 2035, l’endettement public avoisinant 120 % du PIB, contre moins de 100 % l’an dernier. Depuis l’élection de Trump, une augmentation des déficits prévus, un volume des émissions obligataires en hausse et des politiques favorisant l’inflation ont poussé à la hausse les rendements des obligations à long terme au sud de la frontière. Cet ensemble de facteurs a amplifié l’effet de la générosité budgétaire observée ailleurs, accentuant la pentification de la courbe de taux obligataire dans d’autres pays également. Dans ce contexte, on ne peut écarter la poursuite de cette tendance en 2026, bien que l’on s’attende à ce que le Canada s’en tire mieux que la plupart des autres pays. Cela dit, les banques centrales, y compris la Banque du Canada, adoptent largement une posture de statu quo, confortées par une inflation relativement faible et stable, mais aussi reléguées au second plan par les nombreuses politiques budgétaires.
Somme toute, l’économie mondiale devrait se préparer à traverser une autre zone de turbulences en 2026. Voir nos Prévisions économiques et financières Lien externe au site. publiées en décembre 2025 pour plus d’information sur nos perspectives.
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