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Commentaire hebdomadaire

Investir dans l’innovation : le gouvernement si nécessaire, mais pas nécessairement le gouvernement

10 octobre 2025
Randall Bartlett
Économiste en chef adjoint

Dans un contexte de volatilité liée aux conflits commerciaux, les discussions entre les économistes au Canada continuent de porter sur un fait connu : le sous-investissement chronique qui a, en grande partie, mené à la crise de productivité dans laquelle le pays se trouve aujourd’hui. Les investissements en machinerie et équipement, en recherche et développement (RD) ou en logiciels ont été insuffisants. Ceux dans les ouvrages non résidentiels ont chuté lorsque les prix du pétrole ont plongé en 2014 et sont demeurés moroses depuis, malgré une production de pétrole brut record. La sous-performance du Canada en matière d’investissement des entreprises est particulièrement frappante lorsqu’on se compare avec les États‑Unis (graphique 1), mais nous sommes également loin derrière de nombreuses autres économies avancées.


Alors, que peut-on faire pour combler cet écart d’investissement? Le manque d’accès au financement est un problème récurrent. Par exemple, la plupart des petites et moyennes entreprises (PME) financent leurs investissements en puisant dans leur épargne personnelle. Les amis et la famille figurent également parmi les trois principales sources de financement, tandis que les prêts bancaires ne sont pas loin du sommet de la liste. Toutefois, le capital de risque et l’investissement providentiel sont beaucoup moins répandus. L’investissement en capital de risque au Canada fait pâle figure par rapport à ce qu’il est aux États‑Unis (graphique 2), même après rajustement pour tenir compte des différences de population et de taille de l’économie.


Le gouvernement peut contribuer à combler cet écart de financement. Jusqu’à tout récemment, le gouvernement fédéral disposait du Fonds stratégique pour l’innovation (FSI). Le FSI devait soutenir l’investissement dans la RD au Canada, accélérer la croissance et l’expansion des entreprises novatrices, attirer et conserver des investissements à grande échelle au Canada et faire progresser la collaboration entre le milieu universitaire et l’industrie. À la mi‑février 2025, il avait financé 143 projets à hauteur de 10,4 G$. Toutefois, le FSI a récemment été remplacé par le Fonds de réponse stratégique, dont l’objectif est de « veille[r] à ce que les entreprises des secteurs clés ne se contentent pas de survivre aux pressions commerciales immédiates, mais qu’elles se réorientent afin de croître malgré elles ». Il s’agit d’un mandat important compte tenu de la situation actuelle, mais qui est très différent de celui du FSI. L’un est proactif, l’autre réactif.

 

La nouvelle cible de dépenses militaires pourrait également améliorer l’investissement des entreprises au Canada grâce au marché public. La Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA) aux États‑Unis est un exemple bien connu de comment le soutien gouvernemental à la RD peut catalyser l’innovation. En Israël, environ les deux tiers des entreprises en démarrage travaillent dans le domaine de la cybersécurité. Si l’approvisionnement est fait judicieusement, le Canada peut tirer parti de l’importante augmentation prévue des dépenses militaires pour soutenir un écosystème d’innovation au pays.

 

Les gouvernements peuvent en faire encore plus pour stimuler l’investissement simplement en facilitant la vie aux entreprises. Réduire le nombre et la complexité des règlements serait un bon début, en plus d’améliorer la transparence et la stabilité des processus réglementaires. La réduction des obstacles au commerce interprovincial est un bon exemple. Les modifications apportées au processus d’approbation des « projets d’intérêt national » constituent également un pas dans la bonne direction, mais elles devraient s’appliquer à tous les projets – pas seulement à ceux choisis par le Cabinet. Rendre les lois fiscales plus simples, neutres et prévisibles pourrait aussi grandement contribuer à soutenir l’investissement des entreprises et à alléger leur fardeau fiscal sans incidence importante sur les revenus du gouvernement. La décision d’annuler la hausse du taux d’inclusion des gains en capital était judicieuse à cet égard. Maintenant, une réforme fiscale complète devrait être au sommet des priorités du gouvernement fédéral.

 

Enfin, il est important de reconnaître que l’innovation et la productivité sont deux choses distinctes. Des innovations largement adoptées peuvent améliorer la productivité. Et cet investissement est plus susceptible de se faire lorsque les innovations sont peu coûteuses et qu’elles sont à l’avantage évident et immédiat des entreprises. Par exemple, l’Indice mondial de l’innovation 2025 révèle que, bien que le Canada se classe favorablement en ce qui a trait aux intrants liés à l’innovation, il éprouve davantage de difficultés à convertir ces ressources en gains de productivité et en autres retombées concrètes (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, 2025 Lien externe au site.). Une récente étude de l’Institut C.D. Howe [en anglais seulement] Lien externe au site. a révélé que même si le Canada est un chef de file de la recherche en intelligence artificielle (IA), il accuse un retard mondial en matière d’adoption de cette technologie. Il faut que ça change. Les gouvernements peuvent promouvoir cette évolution au moyen de crédits d’impôt et d’une formation accrue, et ils peuvent s’assurer que le financement universitaire est lié à la recherche appliquée dans ce domaine.

 

En cette période difficile, le gouvernement a un rôle important à jouer pour encourager l’investissement des entreprises et améliorer leur productivité. Mais la prospérité ne s’atteint pas uniquement à coups de taxes et de dépenses. Parfois, le gouvernement doit aussi simplement laisser le champ libre aux entreprises. Pour paraphraser l’ancien premier ministre canadien William Lyon Mackenzie King, la philosophie guidant le pays pour encourager l’investissement en innovation devrait être « le gouvernement si nécessaire, mais pas nécessairement le gouvernement ».

Lire la publication Indicateurs économiques de la semaine du 18 au 22 juillet 2022

Consultez l'étude complète en format PDF.

NOTE AUX LECTEURS : Pour respecter l’usage recommandé par l’Office québécois de la langue française, nous employons dans les textes, les graphiques et les tableaux les symboles k, M et G pour désigner respectivement les milliers, les millions et les milliards. MISE EN GARDE : Ce document s’appuie sur des informations publiques, obtenues de sources jugées fiables. Le Mouvement Desjardins ne garantit d’aucune manière que ces informations sont exactes ou complètes. Ce document est communiqué à titre informatif uniquement et ne constitue pas une offre ou une sollicitation d’achat ou de vente. En aucun cas, il ne peut être considéré comme un engagement du Mouvement Desjardins et celui-ci n’est pas responsable des conséquences d’une quelconque décision prise à partir des renseignements contenus dans le présent document. Les prix et les taux présentés sont indicatifs seulement parce qu’ils peuvent varier en tout temps, en fonction des conditions de marché. Les rendements passés ne garantissent pas les performances futures, et les Études économiques du Mouvement Desjardins n’assument aucune prestation de conseil en matière d’investissement. Les opinions et les prévisions figurant dans le document sont, sauf indication contraire, celles des auteurs et ne représentent pas la position officielle du Mouvement Desjardins.