- Royce Mendes
Directeur général et chef de la stratégie macroéconomique
Parfois, les points de départ sont importants
Les marchés s’attendent à ce que la Banque du Canada (BdC) et la Réserve fédérale (Fed) annoncent des baisses de taux d’une ampleur similaire cette année, même si la situation économique de chaque pays est très différente. Le Canada entame 2025 avec un taux de chômage élevé et un ralentissement généralisé de son économie, ce qui ne diffère pas beaucoup de la plupart des autres économies avancées. En revanche, les États‑Unis ont connu une performance exceptionnelle depuis un an. L’économie américaine continue de faire preuve d’une résilience remarquable, malgré les taux d’intérêt élevés.
Si le marché envisage un nombre semblable de baisses de taux au nord et au sud de la frontière, c’est en raison du point de départ de chaque banque centrale. La BdC a réduit ses taux de 175 points de base, faisant passer le taux cible du financement à un jour à 3,25 %. Pendant ce temps, la Fed a abaissé son taux directeur de seulement 100 points de base par rapport à son sommet, et le taux cible des fonds fédéraux se situe maintenant à 4,375 %. Malgré le point de départ plus bas et le cycle de détente plus agressif au Canada, les participants au marché devraient se demander si cette différence entre les points de départ est suffisante pour expliquer les parcours divergents des deux économies.
Nous ne pensons pas que cet écart reflète adéquatement la réalité à laquelle sont confrontées les deux nations. Au Canada, le ralentissement marqué de la croissance démographique et les effets de la vague de renouvellements hypothécaires, qui seront de plus en plus visibles cette année, pèseront lourdement sur l’économie. Aux États‑Unis, l’effervescence technologique, le faible taux d’endettement des ménages et les prêts hypothécaires à plus long terme laissent entrevoir un horizon beaucoup plus favorable.
Même en contexte d’incertitude entourant une éventuelle guerre commerciale, il est assez évident que toute perturbation nuirait davantage à l’économie canadienne, ouverte et de taille moyenne, qu’à celle des États‑Unis, plus vaste et plus insulaire.
Nous ne croyons pas que les points de départ en matière de taux d’intérêt seront très importants pour la trajectoire future des deux économies. Mais ils détermineront bel et bien la façon dont les deux banques centrales réagiront aux perturbations commerciales. La BdC, aux prises avec une économie déjà en difficulté, devra concentrer ses efforts sur le soutien à la croissance, et non sur le risque qu’une dépréciation du huard jumelée à des représailles tarifaires de la part du Canada entraîne une hausse ponctuelle des prix, qui pourrait ensuite s’avérer une source plus durable d’inflation. Aux États‑Unis, les dirigeants de la Fed ont davantage le loisir d’attendre de constater les effets des tarifs douaniers, contrairement à la plupart des autres banques centrales.
Par conséquent, même si la Fed pourrait laisser son taux directeur inchangé jusqu’à la mi-année, la BdC devra réduire le sien la semaine prochaine et au moins une fois de plus durant le premier semestre de 2025. Le dollar canadien restera donc faible par rapport au dollar américain. Le risque lié à cette prévision tient au fait que les tarifs douaniers pourraient être imposés plus rapidement ou être plus importants que ce à quoi nous nous attendons en ce moment. Ne vous y trompez pas : si c’est le cas, la BdC réduira ses taux davantage, et non pas moins, ce qui fera probablement plonger le huard à des niveaux jamais vus depuis près d’un quart de siècle.
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