- Royce Mendes
Directeur général et chef de la stratégie macroéconomique
Tous les prix sont en hausse, y compris celui de maitriser l’inflation
Cette semaine, les banquiers centraux nord-américains ont semblé jouer de l’esquive, évitant habilement de dire si oui ou non une récession serait nécessaire pour freiner l’inflation. Leurs réponses aux questions en ce sens étaient pour le moins énigmatiques. Au Canada, le sous-gouverneur Paul Beaudry a expliqué pourquoi cela dépend du comportement des consommateurs. Si ceux-ci croient que l’inflation recule, la Banque du Canada (BdC) n’aura peut-être pas à déclencher une récession pour la ramener à la cible. Un léger ralentissement de la croissance économique pourrait alors suffire à réaligner l’offre et la demande. Mais si les ménages croient que l’inflation élevée est là pour rester et que cette croyance s’enracine dans leur vie quotidienne, une récession sera nécessaire pour briser cet état d’esprit inflationniste. Le président de la Réserve fédérale (Fed), Jerome Powell, a offert des explications similaires dans sa conférence de presse plus tôt cette semaine.
Si on lit entre les lignes, la direction prise par les décideurs monétaires est cependant évidente. Les deux responsables ont déclaré que plus il faudra de temps pour rétablir la stabilité des prix, plus des mesures draconiennes risquent d’être nécessaires pour contenir la croissance des prix. Ainsi, les banques centrales veulent en finir le plus vite possible, et si une récession s’ensuit, advienne que pourra! Le sous-gouverneur Beaudry a déclaré que la BdC prendrait « toutes les mesures nécessaires » pour contrôler l’inflation.
Le compromis visé est clair. Les décideurs sont prêts à risquer une légère récession à court terme plutôt que de laisser l’inflation élevée s’ancrer, ce qui entraînerait éventuellement la nécessité d’un ralentissement plus sévère. Les banquiers centraux américains voient maintenant le taux de chômage augmenter de près d’un point de pourcentage par rapport aux creux de l’été en raison des efforts de la Fed pour contrôler l’inflation. C’est plus du double de l’augmentation moyenne du taux de chômage ayant déclenché les récessions passées. Cependant, en prévoyant un taux de chômage de seulement 4,4 %, la Fed laisse aussi entendre que si l’économie prend son remède maintenant, elle peut s’éviter une dose beaucoup plus forte dans le futur. Un pic du taux de chômage dans cette fourchette ne serait pas une situation si néfaste.
Nous pouvons nous attendre à ce que la BdC transmette un message similaire dans son Rapport sur la politique monétaire d’octobre. Ceux qui regardent attentivement constateront qu’une récession y sera intégrée, mais qu’elle ne sera pas trop sévère. Nous prévoyons une récession au Canada depuis le début de l’été. La volonté de la Fed de relever ses taux plus agressivement nous incite à hausser notre prévision du taux final au sud de la frontière à 4,375 %. Il est vrai que l’économie américaine est moins sensible aux taux d’intérêt que celle du Canada. Cependant, comme nos nouvelles prévisions indiquent que la Fed portera ses taux à plus de 60 points de base de plus que la BdC, nous sommes d’avis que même l’économie américaine ne sera pas en mesure d’éviter une récession.
Les banquiers centraux ont raison de dire que les coûts liés à la maîtrise de l’inflation ne feront qu’augmenter s’ils n’agissent pas prestement. Ces hausses de taux rapides représentent un changement de cap bienvenu par rapport à la complaisance qui les a précédées. Les responsables de la politique monétaire s’attellent désormais à la tâche, s’activant pour rattraper le temps perdu.
La maîtrise de l’inflation restera coûteuse, mais le prix ne ferait que s’accroître avec le temps. Ainsi, effectuer le travail le plus tôt possible pourrait bien entraîner une légère récession à court terme, mais permettra d’éviter une importante contraction à plus long terme.
À surveiller
- États-Unis
Nouvelles commandes de biens durables (août) – Après quatre mois consécutifs de hausse pour une croissance totale de 4,2 %, les nouvelles commandes de biens durables ont légèrement diminué en juillet. Cette baisse était surtout due au secteur des transports qui a reculé de 0,7 %. On s’attend à une diminution encore plus marquée des commandes liées au transport en août. Les données du mois dernier concernant la production industrielle suggèrent une baisse du côté des commandes du secteur automobile. Et les nouvelles commandes d’août chez Boeing semblent avoir considérablement diminué, ce qui suggère une décroissance du côté de l’aviation civile. La baisse devrait être de 6,2 % pour l’ensemble des transports. Excluant ceux-ci, on prévoit une augmentation de 0,2 % à l’image de celle du mois de juillet. Au total, les nouvelles commandes de biens durables devraient afficher une contraction de 2,0 %.
Indice S&P/Case‑Shiller du prix des maisons existantes (juillet) – La croissance du prix des maisons semble commencer à ralentir. Le gain mensuel de 0,4 % en juin était le plus minime depuis juin 2020. On s’attend à ce que le ralentissement se poursuive. Une hausse de seulement 0,1 % est prévue pour juillet. La variation annuelle devrait aussi baisser pour atteindre 17,3 %. Les contre-performances de plusieurs indicateurs du marché de l’habitation depuis le début des hausses de taux hypothécaires suggèrent que les prix des maisons devraient commencer à subir des reculs mensuels très bientôt.
Indice de confiance des consommateurs du Conference Board (septembre) – L’humeur des ménages américains s’améliore. Le gain de 8,9 points de l’indice du Conference Board en août était le premier depuis avril et le plus fort depuis mars 2021. La baisse des prix de l’essence semble être à la source de cette croissance, un effet qui devrait se poursuivre au cours du mois de septembre. Toutefois, la baisse de près de 10 % de la Bourse américaine depuis un mois et le rebond des taux d’intérêt hypothécaires pourraient limiter le gain de la confiance. Les indices de confiance de l’Université du Michigan et TIPP ont cependant tous les deux progressé au cours du présent mois. Somme toute, l’indice de Conference Board devrait passer de 103,2 à 106,0.
Ventes de maisons neuves (août) – Les ventes de maisons individuelles neuves sont nettement sur une tendance baissière. Elles ont diminué de 39,0 % depuis la fin de 2021 et leur niveau annualisé est tombé à 511 000, le plus bas depuis janvier 2016. Les hausses de taux hypothécaires nuisent à ce marché. On s‘attend à une autre baisse pour le mois d’août. L’octroi de permis de bâtir de maisons individuelles a diminué de 3,5 % au cours du mois dernier, pour une baisse totale de 25,3 % depuis février. On remarque aussi que les demandes de prêts hypothécaires en vue d’un achat ont continué de descendre et que la confiance des constructeurs se détériore grandement. On s’attend à ce que le niveau des ventes passe de 511 000 à 470 000 unités.
PIB réel (T2 – 3e estimation et révision annuelle) – La croissance annualisée du PIB réel du deuxième trimestre est passée de -0,9 % à -0,6 % entre la première et la deuxième estimation. Normalement, la troisième estimation des comptes nationaux ne change pas vraiment la donne et n’occasionne pas de surprise. Toutefois, les résultats de jeudi apporteront avec eux la révision annuelle des comptes nationaux, normalement publiée à la fin du mois de juillet. La révision amènera des modifications du premier trimestre de 2017 jusqu’au premier trimestre de 2022, incluant les PIB nationaux, régionaux et par industrie. Il sera intéressant de voir si cela changera le portrait des fluctuations du PIB réel pendant la pandémie et depuis, incluant les baisses préalablement estimées pour le début de la présente année.
Dépenses de consommation (août) – La consommation réelle a augmenté de 0,2 % en juillet, et ce, après une baisse de 0,1 % en mai et une stagnation (0,0 %) en juin. On s’attend à ce que la consommation réelle affiche un nouveau recul en août. Une diminution est prévue du côté des automobiles. On s’attend aussi à une baisse pour les autres types de biens, un reflet de la performance des ventes au détail ajustées pour les hausses de prix en août. Une légère croissance est prévue pour les services, incluant un gain du côté de la restauration. Somme toute, la consommation réelle devrait diminuer de 0,1 %. En dollars courants, la consommation nominale devrait afficher une variation nulle. Le déflateur total des dépenses de consommation a probablement augmenté de 0,1 %, tandis que celui excluant les aliments et l’énergie devrait enregistrer une hausse mensuelle de 0,4 %.
- Canada
PIB réel par industrie (juillet) – Le PIB réel par industrie devrait avoir diminué de 0,1 % en juillet, ce qui est conforme au résultat provisoire de Statistique Canada. Les secteurs des biens ont probablement progressé grâce à un rebond des activités de construction après trois baisses mensuelles. L’accélération de l’activité manufacturière attribuable à la vigueur des ventes et de la production d’automobiles devrait également avoir contribué à la croissance. En revanche, les secteurs des services devraient avoir reculé sur une base globale, tirés vers le bas par la faiblesse du commerce de gros et de détail, en particulier. Nous nous attendons à ce que le résultat provisoire d’août révèle une variation pratiquement nulle ou une légère augmentation en raison d’un renversement de tendance dans les secteurs des services et d’un léger recul dans les biens.
- Outre-mer
Allemagne : Indice Ifo (septembre) – À 88,5 en août, l’indice Ifo composite est tombé à son plus bas niveau depuis octobre 2009 (à l’exclusion des premiers mois de la pandémie). Un tel niveau indique que les grandes entreprises allemandes connaissent de sérieuses difficultés et que l’Allemagne devrait tomber en récession. Les problèmes liés à la guerre en Ukraine, incluant l’approvisionnement en énergie, sont évidemment au cœur des défis actuels de l’industrie germanique. Il sera intéressant de voir si la situation s’est à nouveau détériorée en septembre ou si, au contraire, un début de stabilisation, ou même d’amélioration se dessine.
Chine : Indice PMI manufacturier (septembre) – L’indice PMI manufacturier de la Chine a légèrement augmenté en août, soit de 49,0 à 49,4. Il s’éloigne ainsi un peu plus du creux de 47,4 atteint en avril, mais il demeure aussi sous la barre de 50. Cela signale que l’activité industrielle reste relativement lente. L’indice PMI de septembre nous donnera plus d’information sur la vigueur de la fabrication chinoise.
Zone euro : Indice des prix à la consommation (septembre – préliminaire) – L’inflation s’accélère toujours en zone euro. Elle a atteint 9,1 % en août, à cause en grande partie de la vertigineuse hausse annuelle de 38,6 % des prix de l’énergie. L’inflation de base est cependant aussi relativement élevée à 4,3 % (elle n’était que de 1,6 % il y a un an). On commence à voir des signes d’amélioration de l’inflation en Amérique du Nord, est-ce que ce sera aussi le cas en Europe? Ce serait étonnant et le consensus prévoit plutôt une nouvelle hausse.
Contactez nos économistes
Par téléphone
Montréal et environs :
514 281-2336 Ce lien lancera votre logiciel de téléphonie par défaut.