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Analyses des devises

Toucher le fond

12 décembre 2025
Jimmy Jean, vice-président, économiste en chef et stratège
Mirza Shaheryar Baig, stratège en devises étrangères

Faits saillants

  • Malgré des chiffres d’emploi encourageants, l’économie canadienne n’est pas encore sortie du bois.
  • En plus d’anomalies dans les données de l’Enquête sur la population active, les négociations commerciales avec l’administration Trump pourraient rendre les mois à venir houleux.
  • Nous continuons de prévoir que le dollar canadien s’appréciera pour atteindre 1,35 d’ici la fin de 2026, mais il pourrait y avoir une certaine volatilité en raison des manchettes liées au commerce au premier trimestre.
  • La Réserve fédérale (Fed) abaissera ses taux d’intérêt l’an prochain, tandis que la plupart des autres banques centrales les laisseront inchangés ou les relèveront. L’indépendance de la Fed sera scrutée à la loupe, mais un faux pas politique majeur ne figure pas à notre scénario de base.
  • Le dollar américain devrait se déprécier l’an prochain. Nous prévoyons que les gains seront concentrés du côté des devises liées aux matières premières et du renminbi. Nous voyons un potentiel haussier limité pour l’euro et le yen en 2026.

Aperçu

Le huard a moins bien fait que la monnaie de la plupart des partenaires commerciaux du Canada cette année, mais il se remet maintenant sur pied. Nous nous attendons à ce qu’il se redresse l’an prochain, soutenu par un resserrement des écarts de taux, une hausse des prix des matières premières et les mesures gouvernementales visant à stimuler l’investissement des entreprises. Mais le chemin ne sera pas sans embûches. Les investisseurs devraient se préparer à des perturbations entourant les négociations commerciales et la politique intérieure. Les monnaies liées aux matières premières et celles des marchés émergents devraient bénéficier de la baisse du dollar américain et de la hausse des prix des matières premières, mais nous pensons que l’euro et le yen seront freinés par des risques nationaux.

CAD

Enfin de bonnes nouvelles!

Le dollar canadien a bondi après que Statistique Canada a annoncé un recul du taux de chômage de 6,9 % en octobre à 6,5 % en novembre. Cette nouvelle a été bien accueillie, le taux de chômage ayant suivi une tendance à la hausse ces trois dernières années.

 

Le marché OIS a maintenant pleinement intégré une hausse de taux par la Banque du Canada (BdC) d’ici un an, ce qui ferait passer le taux des fonds à un jour à 2,50 %. En revanche, les marchés s’attendent à ce que la Fed réduise la fourchette des fonds fédéraux à 3,00‑3,25 %. Si ces projections se concrétisent, l’écart de taux directeur passerait de 150 points de base actuellement à seulement 50 points de base à la fin de l’année prochaine.

 

Par ailleurs, l’adoption croissante de l’intelligence artificielle (IA) par les entreprises privées et les efforts gouvernementaux pour stimuler l’investissement des entreprises pourraient soutenir la productivité du Canada, elle qui accuse un retard par rapport à celle des États‑Unis depuis 25 ans. Le Canada est bien positionné pour tirer profit du boom d’infrastructures en IA, dans l’optique où cet essor alimente la demande étrangère pour certaines de ses matières premières. Ces facteurs présentent un risque à la hausse pour nos prévisions relatives au dollar canadien, mais ne font pas partie de notre scénario de référence.

 

Le marché pourrait néanmoins devancer les fondamentaux. Si les données sur l’emploi semblent encourageantes, la plupart des gains ont été enregistrés du côté des postes à temps partiel, et environ la moitié de la baisse du taux de chômage reflète un taux de participation plus faible (un nombre moins élevé de personnes cherchant un emploi). En plus de cette incertitude, la révision à venir de l’Accord Canada–États‑Unis–Mexique (ACEUM) pourrait donner lieu à des manchettes perturbatrices au premier trimestre – comme une menace du président Trump de se retirer de l’accord, ce qui ferait écho aux mises en scène que l’on a vues plus tôt cette année.

 

Nous nous attendons à ce que le huard continue de faire des gains relativement à la plupart des devises l’an prochain, mais le chemin ne sera pas sans embûches. Les investisseurs devraient se préparer à des perturbations entourant les négociations commerciales et l’évolution de la politique intérieure (comme l’élection de 2026 au Québec, qui pourrait avoir des implications importantes). Bien que la tendance plus large pointe vers une appréciation du dollar canadien, il sera essentiel d’éviter les écueils pour tirer profit de cette hausse sans subir de revirements marqués.


USD

L’indépendance de la Fed sous la loupe

Ce n’est un secret pour personne : l’administration Trump privilégie des taux d’intérêt et un dollar faibles. Le mandat de Jerome Powell à la présidence de la Fed prend fin en mai 2026, et le président a indiqué qu’il annoncerait la nomination d’un successeur au début de l’année prochaine. Les marchés s’attendent à ce que ce soit Kevin Hassett, actuellement son principal conseiller économique.

 

Mais l’influence politique sur la politique monétaire n’est qu’une partie de l’histoire. La personne qui prendra la barre de la Fed, quelle qu’elle soit, héritera d’un monde très différent.

 

L’économie américaine traverse une période de chocs structurels multiples : tarifs douaniers plus élevés, resserrement de l’immigration, déréglementation et montée de l’intelligence artificielle. Kevin Hassett a soutenu que ces changements justifiaient une approche plus souple à l’égard du ciblage de l’inflation. Cette affirmation n’est pas déraisonnable. En fait, les anticipations inflationnistes implicites du marché se sont maintenues cette année, bien qu’elles demeurent au-dessus de la cible de 2 % de la Fed.

 

Qu’est-ce que cela signifie pour le dollar? Deux éléments clés :

 

  • Des écarts de taux plus faibles : la Fed se prépare à réduire ses taux d’intérêt l’an prochain, tandis que la plupart des autres banques centrales laisseront les leurs inchangés. On s’attend à un taux final à près de 3 % avec des baisses probables en seconde moitié d’année. Bien que cela soit conforme au consensus, nous croyons que les investisseurs institutionnels, notamment les caisses de retraite, augmenteront leurs ratios de couverture de change sur les actifs américains, étant donné la sensibilité aux points de swap à court terme.
  • Une baisse des taux réels : le discours sur la « dédollarisation » pourrait prendre de l’ampleur si la Fed reste accommodante malgré des hausses surprises de l’inflation. Pour l’instant, le billet vert continue de procurer des taux réels positifs, mais un recul marqué entraîné par une attitude accommodante de la Fed relativement à l’inflation serait un obstacle majeur.

 

Nous prévoyons une baisse de 2 % du dollar, pondéré en fonction des échanges commerciaux, l’an prochain en tenant compte du premier élément, mais non du second, que nous considérons actuellement comme un risque et non comme une référence.


EUR

Faiblesse intérieure

La plupart des économistes ont revu à la baisse leurs prévisions à l’égard d’une reprise autonome de la zone euro alimentée par les mesures budgétaires de l’Allemagne. Si le changement de politique de Berlin est notable, trois vents contraires persistants continuent de peser sur les perspectives : les coûts énergétiques les plus élevés parmi les économies de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), l’intensification de la concurrence de la Chine et la surévaluation de l’euro.

 

La Banque centrale européenne (BCE) a déclaré qu’elle avait réussi à ramener l’inflation à 2 % et a signalé le statu quo de sa politique. Nous nous attendons à ce que les taux demeurent inchangés en 2026, mais les marchés pourraient commencer à intégrer une prime de risque en prévision d’un éventuel cycle de resserrement en 2027.

 

Pendant ce temps, les lignes de fracture internes de l’Europe se creusent. Il n’y a pas d’élections nationales prévues dans les principaux pays européens l’an prochain, mais il y en aura en France, en Italie et en Espagne en 2027. De plus, la coalition allemande semble fragile : des sondages récents montrent que les appuis à la CDU/CSU ont chuté à 24‑25 %, ce qui la place derrière l’AfD, parti d’extrême droite qui prend la tête des sondages nationaux pour la première fois.

 

L’euro a surclassé la plupart des devises en 2025, mais nous prévoyons qu’il sera globalement stable l’an prochain – il se renforcera en période de faiblesse de l’USD, mais se repliera lorsque des risques fiscaux et politiques referont surface. Dans l’ensemble, nous prévoyons une fourchette entre 1,15 et 1,20.


JPY

Le tout pour le tout

La première ministre Takaichi a mis en œuvre son programme populiste, avec un plan de relance de 21 300 G¥ (environ 3 % du PIB) comprenant des aides en espèces, des subventions aux ménages et la suppression de la taxe sur l’essence.

 

Cela signifie que le déficit budgétaire du Japon se creusera par rapport au niveau déjà élevé de 3,8 % du PIB, bien que le gouvernement insiste sur le fait que l’augmentation des recettes fiscales et de la croissance nominale permettra de maintenir le déficit à un niveau proche de celui d’aujourd’hui.

 

Les marchés ne sont toujours pas convaincus. Les rendements des obligations japonaises ont augmenté, ceux de 10 ans approchant désormais les 2 %. Ces rendements plus élevés n’ont pas offert un grand soutien au yen. Le lien traditionnel entre les écarts de rendement sur 10 ans et la paire USDJPY s’est défait, les marchés obligataires réagissant aux dépenses budgétaires agressives.

 

Combien de temps cela peut-il durer? La faiblesse du yen est devenue la soupape d’une politique budgétaire et monétaire très souple. L’intervention verbale du ministère des Finances et une hausse probable des taux de la Banque du Japon (BoJ) en décembre pourraient acheter du temps – mais du temps pour quoi?

 

Nous croyons que l’administration Takaichi a l’intention de tirer parti de la vague de relance et de convoquer des élections anticipées au printemps 2026 afin de rétablir la majorité parlementaire du LDP. Une fois cet objectif atteint, nous nous attendons à un pivot vers une discipline budgétaire et à une normalisation des taux réels. C’est ce qui sous-tend notre prévision de 150 pour l’USDJPY d’ici la fin de 2026. Les risques sont toutefois orientés à la hausse pour la paire.


CNY

De surplus en surplus

Les tensions commerciales entre les États‑Unis et la Chine se sont apaisées à la suite de la rencontre historique entre les présidents Trump et Xi à Busan, à la fin octobre. Le président Trump se rendra à Beijing en avril 2026, et une visite officielle réciproque du président Xi sera planifiée par la suite.

 

En attendant, les exportateurs chinois continuent de gagner du terrain. Nous estimons que la part de la Chine dans les exportations mondiales a grimpé à environ 20 % en novembre, près de son sommet post-COVID de 20,4 %. Sur une base mobile de 12 mois, l’excédent commercial chinois a atteint un niveau record de 1 180 G$ US en novembre.

 

Certes, il existe plusieurs explications à l’augmentation de l’excédent commercial de la Chine : la faiblesse de la demande intérieure, la domination croissante des véhicules électriques chinois, l’approfondissement des liens avec les pays du Sud, etc. Mais une devise sous-évaluée est aussi un facteur. Sur une simple base de parité du pouvoir d’achat selon l’indice des prix à la consommation (IPC), nous estimons que le renminbi est maintenant plus sous-évalué qu’il y a 20 ans, alors qu’il était fixé à 8,28 $ US. Pour mettre cela en perspective, un visiteur étranger à Shanghai peut s’attendre à payer environ 250 $ US pour une nuit dans un hôtel 5 étoiles, soit moins de la moitié du coût d’une telle chambre à Toronto ou à Vancouver.

 

Maintenant que les tensions commerciales ont été mises sur pause, nous nous attendons à ce que la Banque populaire de Chine permette une appréciation notable du renminbi. Nous prévoyons une hausse de 5 % par rapport au dollar américain l’an prochain, ce qui marquerait un changement notable relativement aux fourchettes récentes.


MXN

On continue

Les baisses de taux de la Banque du Mexique (Banxico) ont réduit l’écart de taux directeur entre le Mexique et les États‑Unis de 600 points de base au début du cycle d’assouplissement à 350 points de base aujourd’hui. La Banxico signale maintenant qu’elle est à la fin de ce cycle d’assouplissement. On s’attend à une dernière baisse en décembre, suivie d’une longue pause. Ainsi, le rendement lié aux écarts de taux (carry) devrait se stabiliser autour des niveaux actuels ou s’améliorer graduellement avec les baisses de taux de la Fed.

 

Malgré le déclin notable des taux d’intérêt, le profil du peso mexicain demeure attrayant par rapport aux devises des autres marchés émergents sur une base ajustée selon la volatilité. De plus, les taux d’intérêt réels demeurent autour de 5 %, ce qui est élevé pour une économie qui a maintenant un compte courant équilibré. Bien que les négociateurs étrangers aient récemment augmenté leurs positions sur le peso mexicain, la taille de ces positions reste inférieure aux niveaux historiquement extrêmes.

 

Étant donné la forte dépendance du Mexique aux flux commerciaux et à l’investissement étranger, la révision de l’ACEUM sera essentielle pour la stabilité de la devise. Le Mexique s’est préparé à un processus de révision difficile, en répondant aux préoccupations des États‑Unis concernant l’énergie, l’agriculture, la propriété intellectuelle et les procédures douanières. Il faut s’attendre à des risques liés aux manchettes au premier trimestre, mais une fois que la situation se sera clarifiée, le peso pourrait être mieux soutenu. Nous prévoyons que la paire USDMXN terminera l’année prochaine autour de 17,80.


Prévisions des devises


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