L'émergence de la biodiversité au rang des priorités ESG incontournables

Juin 2023

L'année 2022 a été marquée par un élan important de la biodiversité et du capital naturel, qui sont devenus les sujets de nombreuses conversations. La biodiversité est définie comme la variété et la variabilité des organismes vivants sur Terre, alors que le capital naturel est le stock de ressources naturelles renouvelables et non renouvelables qui se combinent pour produire un flux d’avantages pour les personnes. Malgré la visibilité importante dont a bénéficié cet enjeu au cours des derniers mois, plusieurs investisseurs s’interrogent sur la pertinence de la biodiversité parmi les thèmes ESG prioritaires. Cet article vise à répondre à cette question et à fournir des pistes de réflexion pour intégrer ce thème dans un processus de gestion de portefeuille.

La biodiversité mérite-t-elle autant d’attention que les changements climatiques?

Le Forum économique mondial classe la perte de biodiversité et l’effondrement de l’écosystème comme le quatrième risque mondial - Lien externe au site.(en anglais seulement) des dix prochaines années. Selon l’organisation, près de 50 % du PIB est modérément ou fortement dépendant de la nature. De son côté, le Rapport Planète Vivante 2022 - Lien externe au site. indique que les populations mondiales d’animaux sauvages ont diminué en moyenne de 69 % depuis 1970. Ce déclin se reflète également dans les ressources naturelles et les espaces vierges. À l’échelle mondiale, on constate une réduction de 47 % de la taille et de l’état des écosystèmes.

Cette crise a hissé la biodiversité au cœur des sujets abordés dans les conférences sur la finance durable. La double importance de la nature au sein de la finance est fondamentale, car notre incidence sur la nature est susceptible d’affecter nos dépendances à celle-ci. Les emplacements géographiques représentent aussi des éléments dynamiques de biodiversité, comme l’Amazonie et les régions côtières, où la biodiversité est plus grande qu’ailleurs (versus un désert, par exemple) et où les changements doivent donc être appliqués plus rapidement.

La protection de la biodiversité et du capital naturel est un enjeu très complexe, mais il est aussi critique que celui des changements climatiques. L’empreinte carbone n’est plus la seule donnée incontournable à mesurer et à réduire. Plus que jamais, nous sommes conscients que la nature est un écosystème dans lequel toutes les formes de vie sont interconnectées, qui doit être considéré dans sa globalité pour espérer des retombées positives en matière de prospérité durable.

Ce qu’il faut retenir de la COP15

La quinzième Conférence des Parties (COP15) sur la biodiversité s’est tenue à Montréal en 2022. Il s’agissait de la deuxième partie de la conférence, la première s’étant tenue à Kunming en 2021. Celle-ci réunissait des délégués provenant de 196 pays en vue d’établir de nouveaux objectifs et un plan d’action pour la nature d’ici 2030 dans le but de mettre un terme à la perte de biodiversité et de renverser son déclin.

La COP15 fut la première édition à inclure une journée dédiée à la finance, à laquelle plus de 100 institutions financières ont participé. De nombreux thèmes sont revenus au cours de la conférence, notamment les points suivants :

  • Le climat et la biodiversité ne sont pas deux sujets distincts. La protection de la nature et le renversement des effets négatifs constituent, ensemble, la solution aux changements climatiques.
  • La collaboration est essentielle.
  • Les communautés autochtones sont des intendants de la conservation des écosystèmes et doivent être reconnues en tant que telles.
  • Attendre des données parfaites est le meilleur moyen de ne pas agir. Des données existent déjà; plus nous mesurerons les paramètres de biodiversité, plus cette quantité de données augmentera.

La conférence s’est terminée avec la signature du Cadre mondial de Kunming-Montréal pour la biodiversité, qui réclame la réduction des impacts négatifs sur la biodiversité. Le cadre comprend quatre objectifs à long terme, dont le quatrième (objectif D) exige des méthodes d’application adéquates incluant les ressources financières, la capacité de bâtir, la coopération scientifique et la technologie. L’accord comprend également 23 cibles à atteindre d’ici 2030, dont la 15e demande aux entreprises et aux institutions financières de divulguer les risques et les répercussions en matière de biodiversité.

Un travail de fond pour décrypter une flambée d’initiatives

L’élan de la biodiversité dans la recherche et les conférences a influé sur les initiatives et les groupes de travail axés sur ce thème ainsi que sur la façon dont les institutions financières peuvent agir.

Chez Desjardins Gestion internationale d’actifs (DGIA), notre équipe d’investissement responsable a analysé pas moins de 19 initiatives portant largement sur la nature afin d’identifier les plus pertinentes. Cette analyse approfondie nous a permis d’identifier celles qui sont les plus pertinentes pour notre organisation. Deux initiatives ont particulièrement retenu notre attention :

  • La Taskforce for Nature-Related Financial Disclosures (TNFD) : un cadre de gestion et de divulgation fondé sur la science et orchestré par le marché, qui permet aux organisations de signaler et d’agir sur l’évolution des risques liés à la nature. En version bêta à l’heure actuelle, le cadre évolue avec l’industrie pour s’assurer de sa pertinence.
  • Le Finance for Biodiversity Pledge (FFB) : cet engagement est une initiative des institutions financières qui invite les dirigeants à s’engager pour protéger et restaurer la biodiversité. En décembre 2022, il regroupait 126 institutions financières provenant de 21 pays et représentant 18,8 billions d’euros en actifs. En joignant cette initiative, nous nous engageons à respecter les cinq principes suivants d’ici 2024 : collaborer et partager nos connaissances; dialoguer avec les entreprises; comprendre notre impact; établir des cibles; et inclure nos avancées en matière de biodiversité dans notre rapport annuel.

19 INITIATIVES PORTANT LARGEMENT SUR LA NATURE

  1. TNFD Taskforce for Nature-related Financial Disclosures
  2. FFB Finance for Biodiversity Pledge
  3. ENCORE Exploring Natural Capital Opportunities, Risks and Exposure
  4. Nature Finance
  5. PRI Principles for Responsible Investment
  6. PRB & ILP Principles for Responsible Banking & Investment Leadership Platform
  7. PBAF Partnership for Biodiversity Accounting Financials
  8. CPIC Coalition for Private Investment in Conservation
  9. CISL University of Cambridge Institute for Sustainability Leadership
  10. Ceres Land Use and Climate Working Group
  11. CBF Consortium for Biodiversity Footprint
  12. F@B Finance@Biodiversity Community
  13. Align Aligning accounting approaches for nature
  14. BIOFIN Biodiversity Finance Initiative
  15. WEF Biodiversity Finance Learning Coalition
  16. Le Club B4B+ Le Club des entreprises et institutions pour une biodiversité positive
  17. C4C Capital for Climate
  18. SBTN Science Based Targets Network
  19. CFA Conservation Finance Alliance

Étude de cas : l’approche favorisée par DGIA

Chez DGIA, le thème de la protection de la biodiversité et du capital naturel a été ajouté à la liste de nos enjeux prioritaires ESG en 2021. Depuis, notre équipe Investissement responsable a consacré beaucoup d’efforts sur la recherche et l’analyse de ce thème afin de cerner les répercussions financières et les implications pour les émetteurs. Forts de cette recherche approfondie, nous avons développé en 2022 un plan d’action concret en matière d’engagement et d’intégration ESG liés à la biodiversité.

Nous avons élaboré notre approche d’intégration des critères liés à la biodiversité en identifiant d’abord trois domaines d’intérêt :

  1. Déforestation et réhabilitation des terres
  2. Quantité et qualité de l’eau
  3. Agriculture régénératrice et agro-industrie durable

Les mesures ESG pour ces trois domaines d’intérêt ont été intégrées à notre grille interne d’évaluation des émetteurs et dans notre stratégie d’engagement. En outre, nous discutons avec les sociétés de leur gestion des risques liés à la nature et nous leur demandons de fournir des exemples de leur stratégie zéro déforestation et de leurs procédés agricoles durables. De plus, nous tenons compte des pratiques exemplaires en matière de biodiversité dans nos activités de vote par procuration. À titre d'exemple, nous avons soutenu une proposition d'actionnaires soumise à une entreprise du secteur de la consommation lui demandant de rendre compte de ses efforts pour éliminer la déforestation dans sa chaîne d'approvisionnement.

En 2022, nous avons intégré plusieurs initiatives, dont Framing the Future for Nature, de S&P Global, ainsi que les réunions du groupe de travail de Ceres sur l’utilisation des terres et le climat. Ces groupes de travail sont des sources de recherche qui abordent divers sujets nous permettant d’approfondir notre compréhension de la biodiversité.

Collaborer pour sensibiliser et mobiliser notre communauté

Un effort collaboratif regroupant l'ensemble des acteurs du secteur financier est nécessaire pour accroître la place de la biodiversité dans les activités d'engagement et d'investissement. Plus de la moitié des émissions de CO2 sont absorbées par la terre et les océans. Nous ne parviendrons pas à atteindre les objectifs de nos initiatives en matière de lutte aux changements climatiques sans un engagement fort en faveur de la biodiversité. C’est pourquoi le Mouvement Desjardins a signé la Déclaration du secteur financier privé lors de la COP15, confirmant notre engagement à continuer d’œuvrer pour la protection de la nature. Nous encourageons tous les autres acteurs de notre industrie à prendre des mesures concrètes et à se mobiliser face à la protection de la biodiversité et du capital naturel.