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Prévisions des taux de détail

Des baisses de taux à l’horizon en 2024

7 décembre 2023
Lorenzo Tessier-Moreau, économiste principal, et Hendrix Vachon, économiste principal

Faits Saillants

  • Les États-Unis pourraient éviter la récession
  • L’économie canadienne a entamé un passage à vide
  • Malgré l’appréciation récente, le dollar canadien reste à court de soutien
  • Un possible atterrissage en douceur de l’économie américaine rassure les investisseurs 

Conjoncture économique et taux d'intérêt

Les États-Unis pourraient éviter la récession

Après plus de 20 mois de resserrement monétaire, les progrès dans la stabilisation de l’inflation sont maintenant indéniables un peu partout dans le monde (graphique 1). Bien que celle-ci demeure au-dessus de sa cible dans plusieurs pays, les tendances récentes et les signaux précurseurs portent à croire que les taux directeurs pourront bientôt reprendre une tendance baissière. Malgré tout, l’économie américaine a continué d’afficher une croissance soutenue en 2023 et montre, jusqu’à présent, peu de signes de faiblesse. Même si le ralentissement se poursuivra, nous anticipons que les États-Unis pourraient être l’une des seules économies avancées à éviter une récession en 2024.


La Réserve fédérale (Fed) ouvre graduellement la porte à d’éventuelles baisses de taux

Bien que la Fed ait clairement indiqué qu’elle prendrait ses décisions en se basant sur l’ensemble des données disponibles à chaque rencontre, il apparaît de plus en plus clair que le statu quo sera maintenu pour un certain temps. Certains membres du comité de direction ont aussi commencé à fournir un peu plus de détails sur les conditions qui pourraient mener à d’éventuelles baisses du taux des fonds fédéraux en 2024. Nous prévoyons que la diminution de l’inflation fournira une opportunité à la Fed pour commencer à baisser son taux directeur à partir du 2e semestre de l’an prochain.

L’économie canadienne a entamé un passage à vide

Le PIB réel canadien s’est contracté à un rythme annualisé de 1,1 % au troisième trimestre, alors que le marché du travail a continué à ralentir. Même si l’emploi a crû au cours des derniers mois, le taux de chômage a augmenté à 5,8 % en raison de la forte croissance de la population active et le taux de postes vacants est maintenant près de son niveau d’avant la pandémie (graphique 2). La faiblesse de l’économie canadienne est généralisée à plusieurs secteurs et bien qu’un léger rebond pourrait être observé au quatrième trimestre, nous prévoyons que la contraction de l’économie se poursuivra en début d’année prochaine. 


Le taux directeur de la Banque du Canada (BdC) pourrait recommencer à diminuer à partir du printemps prochain

Comme prévu, la BdC a maintenu son taux directeur inchangé en décembre. Le communiqué publié en marge de la rencontre a mis l’accent sur le fait que la Banque croit maintenant que « l’économie n’est plus en situation de demande excédentaire » bien qu’elle « demeure préoccupée par les risques entourant les perspectives d’inflation ». La BdC continue de jouer de prudence en gardant la porte ouverte à d’autres hausses de taux, mais les conditions pour des baisses risquent d’être remplies l’an prochain. Les baisses devraient cependant être graduelles à moins qu’une récession beaucoup plus sévère ne frappe l’économie canadienne.

Les taux de détail pourraient finalement avoir atteint leur sommet

Les taux affichés sur les hypothèques et l’épargne ont atteint des niveaux historiquement élevés en octobre dernier avec la forte poussée haussière de taux obligataires (graphique 3). Le recul des taux obligataires en novembre a offert un peu de répit aux emprunteurs, et permet d’entrevoir pour la première fois depuis deux ans le retour d’une tendance baissière durable des taux offerts à la clientèle. Comme pour les taux directeurs, la baisse des taux de détail devrait être graduelle au cours des prochains mois. Les institutions financières pourraient cependant choisir de limiter davantage l’octroi de crédit si les conditions économiques se détériorent davantage.   



Devises

Malgré l’appréciation récente, le dollar canadien reste à court de soutien

Faits saillants

Le mois de novembre a été marqué par la réappréciation de plusieurs devises par rapport au dollar américain. Ces mouvements découlent essentiellement de la diminution des taux obligataires qui a été plus manifeste aux États-Unis. Un regain d’appétit pour le risque a également contribué à l’affaiblissement presque généralisé du billet vert. L’indice DXY du taux de change effectif américain est de retour à son niveau de la fin d’août (graphique 4).

En comparaison, le dollar canadien figure parmi les devises s’étant le moins apprécié en novembre (graphique 5). L’appréciation du huard a été plus visible à partir du milieu du mois, soit après la publication des chiffres d’inflation aux États-Unis et de plusieurs indicateurs économiques plus encourageants pour l’économie chinoise. Ces données ont alimenté un plus grand appétit pour le risque. Le dollar canadien a moins profité de la baisse des taux d’intérêt américains, car les taux canadiens ont diminué dans des proportions similaires. La faiblesse de plusieurs prix de matières premières est également défavorable au huard, tout comme les données économiques canadiennes plutôt moroses.



Prévisions

L’évolution de l’appétit pour le risque devrait être la principale source de fluctuations des devises dans les prochains mois, alors que les mouvements sur les taux d’intérêt devraient être plus faibles. Notre scénario de base prévoit que plusieurs économies connaîtront des difficultés économiques à court terme, ce qui sera accompagné par une réduction de l’appétit pour le risque. En conséquence, le dollar américain devrait être avantagé.

Le dollar canadien reste très sensible à l’humeur des investisseurs et à l’état de l’économie mondiale. Nous croyons qu’il se dépréciera légèrement à court terme, vers 0,72 $ US (1,39 $ CAN/$ US), avant de se réapprécier plus tard en 2024. Le rebond du huard concordera avec une reprise économique et une remontée des cours des matières premières.


Rendement des classes d'actifs

Un possible atterrissage en douceur de l’économie américaine rassure les investisseurs 

Les marchés boursiers profitent de la baisse des taux obligataires

Après avoir atteint un sommet, les taux obligataires de long terme ont diminué tout au long du mois de novembre (graphique 6). Cette baisse des taux obligataires s’est accompagnée d’un fort rebond des principaux indices boursiers. L’optimisme des investisseurs est en partie justifié. L’évolution récente des données porte à croire que l’inflation pourrait être maîtrisée sans toutefois entraîner l’économie américaine en récession. Les moins bons résultats économiques sont donc célébrés par les investisseurs comme des preuves supplémentaires que des baisses de taux directeur sont à prévoir. Une anticipation qui a été confirmée par les plus récentes communications des officiels de la Réserve fédérale. 


Les titres du secteur technologique sont toujours en tête

Comme cela a été largement le cas au cours de la dernière année, les gains récents de l’indice américain S&P 500 restent fortement concentrés au sein de quelques grandes entreprises des secteurs de la technologie et des communications. Cette concentration est telle que si on retire les sept plus grandes entreprises en termes de capitalisation boursière de l’indice, la hausse annuelle en date du 30 novembre de plus de 18,0 % à un peu moins de 6,0 % (graphique 7). L’exposition de ces entreprises aux développements en intelligence artificielle explique leur forte performance en début d’année alors que leur sensibilité aux taux d’intérêt explique le rebond observé avec la baisse des taux obligataires en novembre.


Les bénéfices des entreprises continuent d’apporter un soutien aux rendements

Malgré la détérioration de certains indicateurs économiques, les perspectives de profits des entreprises demeurent globalement positives. Les résultats publiés pour le troisième trimestre de 2023 n’ont pas donné lieu à des révisions à la baisse des profits attendus pour la prochaine année (graphique 8). De bonnes croissances des bénéfices seront certainement requises pour justifier le rebond des indices observé en novembre. Bien que la baisse des taux obligataires contribuera à soutenir les profits, l’inflation et la demande plus faible des consommateurs risquent d’entraîner une croissance anémique, voire négative, des bénéfices, ce qui limitera les gains boursiers en 2024. 


Le rebond du S&P/TSX pourrait être de courte durée

L’indice canadien a suivi la tendance observée ailleurs en novembre, affichant un rebond de plus de 9,0 % par rapport à son creux d’octobre. Ce fort rebond risque cependant d’être de courte durée alors que la plupart des secteurs de l’indice font face à des perspectives négatives. Le prix du baril de pétrole a fortement diminué après avoir atteint un sommet en septembre et s’inscrit dans la tendance baissière observée pour plusieurs autres matières premières. Les bénéfices des autres secteurs pourraient aussi faire les frais de la récession à venir. Cependant, la reprise économique et les taux d’intérêt plus faibles en deuxième moitié d’année 2024 pourraient permettre une forte reprise de l’indice.

Les rendements des actifs risqués resteront limités par la réduction des bilans des banques centrales

Le recul de l’inflation à l’international permet d’espérer la fin des hausses de taux. À l’instar de la Fed et de la BdC, la Banque centrale européenne pourra probablement ouvrir la porte à des baisses de taux d’intérêt pour le printemps. Les baisses de taux directeurs ne devraient pas empêcher les banques centrales de cesser rapidement la réduction de la taille de leur bilan. Le niveau de liquidité excédentaire sur les marchés demeure nettement plus haut qu’avant la pandémie (graphique 9). À moins d’une grave récession accompagnée de turbulences importantes sur les marchés financiers, nous prévoyons que la réduction de la taille des bilans se poursuivra tout le long de l’an prochain. Il pourrait s’agir d’un facteur qui limitera la diminution des taux d’intérêt de plus long terme, tout comme l’endettement élevé de certains gouvernements. La réduction de la liquidité excédentaire pourrait aussi avoir un effet négatif sur les actifs plus risqués.



La corrélation négative entre les rendements obligataires et boursiers pourrait faire un retour en 2024

Longtemps considérée comme une protection naturelle pour les investisseurs détenant un portefeuille diversifié, la corrélation négative entre les marchés boursiers en a pris pour son rhume en 2022 et pour une bonne partie de 2023. L’année 2024 sera marquée par un contexte où les liquidités disponibles dans le système financier resteront limitées alors que les perspectives économiques se détérioreront. Le choix d’arbitrage que devront faire les investisseurs entre les marchés boursiers et obligataires pourrait ramener une corrélation négative entre ces deux marchés. Cela pourrait contribuer à limiter les gains des marchés boursiers malgré un contexte de baisse de taux.